Thursday, July 10, 2008

Dans une mentalité de casino, l'économie va de bulle en bulle

Dans une mentalité de casino, l'économie va de bulle en bulle

Par Rodrigue Tremblay, le 16 mai 2008

[US] « la stratégie doit d'abord avoir pour objectif de supprimer le régime de Saddam Hussein du pouvoir ». ... [Il doit absolument être supprimé pour] « la sécurité du monde dans la première partie du 21ème siècle » et pour « la sécurité des troupes US dans la région, de nos amis et de nos alliés tels qu'Israël et les États arabes modéré de même que pour cette importante région en réserves mondiales de pétrole. »

Lettre adressée par les Néocons au Président Bill Clinton, le 26 janvier 1998

[À propos des Irakiens] « S'ils s'en remettent à leurs radars, nous allons faire sauter leurs foutus missiles. Ils savent que nous possédons leur pays. Nous possédons leur espace aérien ... Nous leur dictons leur façon de vivre et de parler. Et c'est justement ce qui fait que les États-Unis sont si grands en ce moment. C'est une bonne chose, surtout parce qu'il y a beaucoup de pétrole là-bas dont nous avons besoin. »

Le brigadier général William Looney de l'US Air Force, chef des opérations aériennes américano-britanniques au sud du 32e parallèle du territoire irakien (zones d'exclusion aérienne), entretien reproduit dans le Washington Post, le 30 août 1999, [cité dans le livre de William Blum, Rogue State, Common Courage Press, 2005, p. 159]

« Concentrez vos opérations sur le pétrole, en particulier en Iraq et dans le Golfe, comme si cela signifiait la mort [de l'Occident]. »

Osama bin Laden, Décembre 2004

« Les prix vertigineux du pétrole n'ont aucun lien avec la production ou avec la consommation, ... [C'est] à cause de la diminution de la valeur du dollar. »

Mahmoud Ahmadinejad, le président de l'Iran, avril 2008

L'économie des États-Unis semble passer d'une bulle à l'autre. En 2000, c'était la bulle technologique. En 2005, c'était la bulle immobilière. Aujourd'hui, c'est la bulle du pétrole et des produits de base. En fait, l'ensemble des secteurs de l'investissement n'est désormais qu'un gigantesque casino où les spéculateurs sont les maîtres et où les gouvernements font semblant de ne rien voir. Pour de nombreux produits de première nécessité (tels que le riz, le blé et le maïs) de même que pour les produits de base (tels que le pétrole, le gaz et les métaux), les prix auxquels ils sont négociés ne reflètent pas leur valeur réelle. Dans la plupart des cas, ces hausses de prix sont engendrées par de mauvaises pratiques et par la technique pyramidale « du plus grand imbécile » grâce à laquelle de grands spéculateurs ayant leur place d'affaire dans des paradis fiscaux, jouent à la roulette avec des produits dérivés non règlementés dans le but de faire augmenter toujours plus les prix et ce, jusqu'à ce que la bulle éclate. De nombreux événements s'ensuivent de ce qui se joue sur les marchés financiers et la vie de plusieurs personnes peut être mise en danger, voire même détruite. La famine actuelle qui se vit dans de nombreux pays est le résultat de cette manipulation des marchés qui est approuvée par ces gouvernements, par l'OPEP et par une foule d'autres cartels de même que par ceux que l'on connaît sous le nom de « Hedge Funds » ou de « fonds spéculatifs à levier. »

Est-il possible pour une économie de croître et de prospérer sans pour autant toujours devoir se retrouver au sommet d'une montagne russe? En effet, est-ce que l'actuelle flambée des prix du pétrole et des produits de base sont le réel reflet d'un changement de l'offre et de la demande, telle une diminution de l'approvisionnement, ou est-ce plutôt, voire même principalement, le résultat de facteurs géopolitiques et de spéculations financières qui alimentent toujours de plus en plus une demande artificielle insatiable?

Je crois que l'effondrement de la valeur du dollar US a de graves conséquences économiques imprévues involontaires partout dans le monde. En effet, la brusque dévaluation de la plus répandue et de la plus importante monnaie de réserve est la cause de ce transfert des titres libellés en dollars vers des actifs tangibles, tels que le pétrole, l'or et autres produits de base. Les banques centrales, les entreprises et les individus perdent tous confiance envers la monnaie papier US, une monnaie qui s'est rapidement dépréciée face aux autres devises et dont la valeur intrinsèque devrait s'éroder encore davantage par l'arrivée de l'inflation qui suivra inévitablement l'actuelle augmentation de la masse monétaire créée par la Fed. Tous ces problèmes sont reliés entre eux.

Rappelons-nous que la problématique du pétrole aux États-Unis est en grande partie attribuable au gouvernement lui-même lorsqu'il a fait le choix de s'éloigner d'une économie fondée sur l'autosuffisance et sur l'énergie renouvelable. Par exemple, en 1982 la consommation quotidienne de pétrole des États-Unis avait diminuée autour de 9 millions de barils par jour, alors qu'elle se situait à 14 millions de barils par jour en 1973 au début du choc pétrolier déclenché par l'OPEP. Étant donné que les États-Unis produisaient près de 9 millions de barils de pétrole par jour, nous pouvons dire que l'économie américaine réussissait, à l'époque, à répondre à ses propres besoins énergétiques. [Au début des années 1980], l'administration Reagan a tout chambardé. C'en était fini des limites de vitesse à 55 miles à l'heure [90 Kms/h] de même que de l'obligation pour les constructeurs automobiles d'accroître l'augmentation du kilométrage parcouru par litre d'essence. Plus aucune restriction, qu'elle soit fiscale ou d'une autre forme, sur les moteurs énergivores, etc. Pour conséquence, les États-Unis qui comptent moins de 5% de la population mondiale consomment 25% de la production quotidienne mondiale de pétrole, soit environ 22 millions de barils par jour pour environ 88 millions de barils produits chaque jour à travers le monde. Mais voici l'essentiel : 60 % de ce pétrole [consommé aux USA] doit être importé. Qui plus est, pour l'ensemble du monde entier, 60% des importations de pétrole proviennent du Moyen-Orient instable. C'est ce qui s'appelle jouer avec le feu!

Par conséquent, parce que la quête de pétrole sous contrôle des États-Unis était un élément majeur pour l'administration Bush-Cheney lorsqu'ils décidèrent de lancer une guerre contre l'Irak au printemps 2003, afin de transformer ce pays souverain en un protectorat pétrolier des États-Unis administré par quelques grandes compagnies pétrolières américano-anglaises. Nous pourrions même en déduire que cette guerre illégale a été ensemencée par l'administration Reagan. C'est sous Reagan que la philosophie de déréglementation est devenue généralisée et qu'elle a par la suite été saluée comme un succès. Mais en contrepartie, vingt-cinq précieuses années ont été perdues pour préparer l'économie des États-Unis à cette époque où le pétrole serait appelé à devenir une source d'énergie rare. Aujourd'hui, ce moment est arrivé et ce, même si nous sommes toujours à l'ère des véhicules de marque Hummer qui ne peuvent fonctionner qu'avec d'importantes et d'onéreuses et de très risquées importations de pétrole.

En effet, aux États-Unis, il y a maintenant en moyenne trois voitures pour quatre adultes et les voitures sont plus grosses et elles ont des moteurs plus puissants que n'importe où ailleurs dans le monde. Si seulement quelques pays où la richesse s'accroît, tels que la Chine et l'Inde, devaient tenter d'égaler les États-Unis, alors la consommation mondiale de pétrole ferait plus que doubler. Mais puisque les réserves connues de pétrole ne pourraient pas répondre à une demande en plein essor, les prix du pétrole atteindraient des niveaux astronomiques, écrasant le pouvoir d'achat des consommateurs tout en faisant augmenter l'inflation. Pour résultat, une grande crise économique mondiale prendrait place avant que des sources d'énergie alternatives économiquement viable puissent être développées. Cela pourrait nécessiter un ajustement de 10 à 20 ans.

Mais n'y sommes-nous pas déjà rendus? Si nous n'y sommes pas encore, alors nous sommes en route vers ce jour tant attendu alors même que par complicité et par laisser faire, les gouvernements attendent que ne surviennent un miracle ou une solution magique. Les principales conséquences seront une hausse de l'inflation, des guerres semblables à celles du 19e siècle pour s'approprier les ressources, et un ralentissement économique mondial de la production et du commerce. Les vingt prochaines années devraient se révéler intéressantes pour quelques-uns, mais éprouvantes pour la plupart.

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Rodrigue Tremblay est un économiste canadien qui vit à Montréal. Il est professeur émérite à l'Université de Montréal. Il peut être joint à rodrigue.tremblay@yahoo.com

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Traduction de Dany Quirion pour Alter Info

Publication originale :

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