Par Chantal Delsol *19/09/2008 Mise à jour : 14:32
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Le discours de Benoît XVI à l'intention du monde de la culture était un texte de haut vol. Décryptage.
Au Collège des Bernardins, la magnifique salle cistercienne du XIIIe siècle fournit à Benoît XVI son entrée en matière : en nous demandant ce que faisaient ici ces jeunes moines, nous comprendrons mieux les racines de la culture occidentale. Ces hommes cherchaient Dieu : ils se réunissaient ici pour quêter l'essentiel et le définitif, ce qui ne périt pas. Ils ne cherchaient pas au hasard, comment l'auraient-ils pu, mais à partir des livres des Ecritures. Notre culture est une culture du logos, qui signifie à la fois parole et raison.
Les chrétiens ne croient pas que la Bible ait été écrite par Dieu ou sous la dictée de Dieu. Elle est constituée de textes littéraires multiples. C'est à travers ces paroles humaines et historiques que Dieu nous parle. Il convient donc d'interpréter les textes. Pour cela, il faut une communauté qui suscite à la fois la pluralité des sens et la communion des esprits autour des significations comprises en commun.
Cette exigence de l'interprétation exclut de cette religion tout fondamentalisme : la littéralité du texte n'est pas sacrée. Ce n'est pas la lettre qui compte, disait Paul, mais l'esprit. Or, quelle est la caractéristique de cet esprit qui interprète, traduit, comprend les textes ? Il est libre ! Car c'est à travers son temps, son histoire, ses coutumes, que l'esprit humain interprète le texte. Mais s'il l'interprète en lien avec d'autres dans une communauté, il échappe au subjectivisme et à l'arbitraire, il échappe aussi à la tentation du fondamentalisme, qui voudrait (c'est humain) diviniser la lettre du texte. La culture de l'europe est fondée sur une liberté dans la communauté.
Ainsi nos cisterciens étaient-ils là pour chercher Dieu ensemble et pour le prier ensemble. Mais aussi, ils travaillaient : Ora et Labora. En travaillant de leurs mains (Benoît XVI rappelle que déjà Paul était fabricant de tentes), ils participaient à l'euvre divine qui est création incessante. Car Dieu est toujours à l'euvre dans l'histoire : Dieu travaille ! Et l'homme, loin de vouloir créer ou recréer le monde à sa façon, travaille avec Dieu. La culture européenne est fondée sur le travail comme participation à la transformation incessante du monde.
Enfin, la quête de Dieu est rendue possible parce que la parole a été annoncée, mais surtout parce que Dieu s'est révélé. Et cette révélation doit se divulguer, parce qu'elle concerne tous les hommes : Dieu est universel comme la raison est universelle. Cependant l'annonce de la parole ne sera entendue que par les esprits disponibles pour l'écouter : ceux qui cherchent la vérité au-delà de l'éphémère quotidien. Celui qui parie résolument sur le hasard ou sur le chaos ne se laissera pas trouver par Dieu. La quête elle-même exige une certaine humilité de l'esprit, qui répond à l'humilité de Dieu révélée par la création (Dieu n'est pas seul à se contempler et à s'aimer lui-même).
La religion qui façonne ce continent n'est donc pas seulement affaire de foi aveugle ou illuminée, mais affaire de raison. Ainsi a grandi l'europe, puis l'Occident : la raison et la liberté, qui vont de conserve, ressortissent à cette source religieuse. Nous sommes les petits-fils de ces moines cisterciens.
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Le discours de Benoît XVI à l'intention du monde de la culture était un texte de haut vol. Décryptage.
Au Collège des Bernardins, la magnifique salle cistercienne du XIIIe siècle fournit à Benoît XVI son entrée en matière : en nous demandant ce que faisaient ici ces jeunes moines, nous comprendrons mieux les racines de la culture occidentale. Ces hommes cherchaient Dieu : ils se réunissaient ici pour quêter l'essentiel et le définitif, ce qui ne périt pas. Ils ne cherchaient pas au hasard, comment l'auraient-ils pu, mais à partir des livres des Ecritures. Notre culture est une culture du logos, qui signifie à la fois parole et raison.
Les chrétiens ne croient pas que la Bible ait été écrite par Dieu ou sous la dictée de Dieu. Elle est constituée de textes littéraires multiples. C'est à travers ces paroles humaines et historiques que Dieu nous parle. Il convient donc d'interpréter les textes. Pour cela, il faut une communauté qui suscite à la fois la pluralité des sens et la communion des esprits autour des significations comprises en commun.
Cette exigence de l'interprétation exclut de cette religion tout fondamentalisme : la littéralité du texte n'est pas sacrée. Ce n'est pas la lettre qui compte, disait Paul, mais l'esprit. Or, quelle est la caractéristique de cet esprit qui interprète, traduit, comprend les textes ? Il est libre ! Car c'est à travers son temps, son histoire, ses coutumes, que l'esprit humain interprète le texte. Mais s'il l'interprète en lien avec d'autres dans une communauté, il échappe au subjectivisme et à l'arbitraire, il échappe aussi à la tentation du fondamentalisme, qui voudrait (c'est humain) diviniser la lettre du texte. La culture de l'europe est fondée sur une liberté dans la communauté.
Ainsi nos cisterciens étaient-ils là pour chercher Dieu ensemble et pour le prier ensemble. Mais aussi, ils travaillaient : Ora et Labora. En travaillant de leurs mains (Benoît XVI rappelle que déjà Paul était fabricant de tentes), ils participaient à l'euvre divine qui est création incessante. Car Dieu est toujours à l'euvre dans l'histoire : Dieu travaille ! Et l'homme, loin de vouloir créer ou recréer le monde à sa façon, travaille avec Dieu. La culture européenne est fondée sur le travail comme participation à la transformation incessante du monde.
Enfin, la quête de Dieu est rendue possible parce que la parole a été annoncée, mais surtout parce que Dieu s'est révélé. Et cette révélation doit se divulguer, parce qu'elle concerne tous les hommes : Dieu est universel comme la raison est universelle. Cependant l'annonce de la parole ne sera entendue que par les esprits disponibles pour l'écouter : ceux qui cherchent la vérité au-delà de l'éphémère quotidien. Celui qui parie résolument sur le hasard ou sur le chaos ne se laissera pas trouver par Dieu. La quête elle-même exige une certaine humilité de l'esprit, qui répond à l'humilité de Dieu révélée par la création (Dieu n'est pas seul à se contempler et à s'aimer lui-même).
La religion qui façonne ce continent n'est donc pas seulement affaire de foi aveugle ou illuminée, mais affaire de raison. Ainsi a grandi l'europe, puis l'Occident : la raison et la liberté, qui vont de conserve, ressortissent à cette source religieuse. Nous sommes les petits-fils de ces moines cisterciens.
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