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Par Maurin Picard
Publié le 02/01/2014 à 19:01
Entré en fonction le 1er janvier, le très progressiste Bill de Blasio se veut le défenseur des « petites gens ».
Avec ses airs dégingandés et son «double mètre», un surnom qu'il partage outre-Atlantique avec le général de Gaulle, Bill de Blasio ne ressemble guère au lapin d'Alice. Et pourtant, comme lui, il est en retard. Toujours en retard! Ce trait de caractère du nouveau maire de New York, élu triomphalement à la succession de Michael Bloomberg le 5 novembre dernier, est si marqué qu'il est même devenu un sujet de galéjade sur les réseaux sociaux. Un compte Twitter lui est même dédié, dressant la liste quasi quotidienne des retards du nouveau «mayor-elect» démocrate depuis qu'il a avoué «des pannes de réveil» durant la campagne.
Le 1er janvier pourtant, lorsque les douze coups de minuit ont sonné dans Big Apple en liesse, Bill de Blasio, 52 ans, visage bonhomme et carrure de déménageur, était pile à l'heure: à minuit une, très exactement, pour prêter serment sur une Bible ayant appartenu à Franklin Delano Roosevelt et tendue par l'ancien président démocrate Bill Clinton, accompagné de sa femme, Hillary, devenant ainsi le premier maire démocrate de la ville depuis vingt ans.
L'édile veut lourdement taxer les revenus annuels supérieurs à 500.000 dollars, notamment pour financer la construction de crèches pour tous
Originaire de Brooklyn, précédé d'une sérieuse réputation de bon vivant, l'ex-avocat public passé par la campagne sénatoriale de Hillary Clinton en 2000 et défenseur autoproclamé des «petites gens», a prononcé devant 5 000 New-Yorkais transis de froid un discours d'investiture conforme aux promesses d'une campagne parfois un brin populiste: «Nous sommes appelés à mettre un terme aux inégalités économiques et sociales qui menacent de défaire la ville que nous aimons. Nous nous engageons donc aujourd'hui dans une nouvelle voie progressiste à New York. Et ce même instinct progressiste a écrit l'histoire de notre ville. Il est dans notre ADN.»
À des années-lumière de son prédécesseur, le «roi Mike», milliardaire, fondateur de l'empire financier Bloomberg, tout à la fois protecteur de Wall Street et généreux mécène parfois éloigné des réalités de sa ville, de Blasio, lui, a promis d'être «à 100 %», «24 heures sur 24», pour réconcilier cette «cité à deux vitesses», antienne empruntée à Charles Dickens et martelée à longueur de discours, censée décrire le gouffre croissant entre masures délabrées des faubourgs et «condos» cinq étoiles du cœur de Manhattan. «Je pense ce que j'ai dit, et nous allons le faire, vous allez voir», a-t-il déclaré mercredi.
La liste des dossiers prioritaires, fiscaux, sociaux et structurels, paraît longue comme le bras: mettre un terme aux opérations de «stop-and-frisk (contrôles intempestifs et fouilles au corps) du NYPD, jugées discriminatoires mais à l'efficacité éprouvée en termes de lutte contre la criminalité ; limiter l'inflation immobilière galopante qui pénalise les foyers à faibles revenus et garantir un logement pour tous (dans cette mégapole de 8,3 millions d'habitants) ; dompter Wall Street et ses légions de spéculateurs irresponsables».
Ses prédécesseurs Rudy Giuliani et Michael Bloomberg l'accusent d'«attiser une lutte des classes» et des « tensions raciales » exagérées
Comment? En taxant lourdement les revenus annuels supérieurs à 500 000 dollars, notamment pour financer la construction de crèches pour tous et la dotation des écoles publiques des cinq boroughs («districts») de la ville. De quoi s'aliéner Wall Street, tout en s'assurant une extrême popularité dans les quartiers les plus défavorisés du Bronx ou du Queens. Et ce, même si la mesure pourrait être retoquée par le législateur de l'État de New York, à Albany, lorsqu'elle lui sera soumise. «Nous savons que ce à quoi nous nous attelons sera très long et très difficile à accomplir», reconnaît de Blasio dans un murmure. Ce programme très «libéral» (extrême gauche, dans le jargon américain) a valu au 109e maire de New York les remontrances de glorieux anciens, Rudy Giuliani et Bloomberg lui-même, tous deux l'accusant d'«attiser une lutte des classes» et des «tensions raciales» exagérées.
Plus sûre que jamais, avec un taux de criminalité historiquement bas, New York a su se redresser économiquement après la tragédie des attentats du 11 septembre 2001, pansant ses plaies pour redevenir le havre de la finance et des affaires… et du tourisme. Mais la crise financière de 2008, en précarisant de nombreux foyers et en incitant la municipalité à tailler dans ses dépenses, a réveillé de vieux démons exploités un peu inconsidérément par le candidat démocrate. Toutes ces réformes «ne peuvent pas attendre, et nous allons nous y atteler sans délai», a-t-il répété lors de son investiture, avec sa femme, Chirlane, ses enfants, Dante et Chiara, à ses côtés, comme pour convaincre du sérieux de ses intentions. Cette fois, de Blasio a promis, il comblera le retard.
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