Le sondage réalisé par le Pew Research Center auprès de membres du Council on Foreign Relations a mis en lumière le fossé séparant les perceptions de l’élite états-unienne et du grand public en matière de politique internationale. Les membres du CFR ne considèrent pas Israël comme un allié, ni l’Iran comme un ennemi, tandis que le grand public adhère aux théories du lobby sioniste véhiculées par les médias de masse. Faut-il en conclure que le CFR n’a plus de pouvoir ou que les pro-Israéliens sont en train de perdre la main ?
12 décembre 2009
Depuis
San Francisco (États-Unis)
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Le Council of Foreign Relations (CFR) [1] est toujours en tête de la liste, établie par la gauche, des comploteurs qui tirent les ficelles de la politique étrangère états-unienne. Il y figure à côté du Groupe de Bilderberg et de la Commission trilatérale. Info ou intox ?
Faux. Si c’était le cas, ceux qui affirment que le soutien des États-Unis à Israël est basé sur le fait que celui-ci est un « atout stratégique », auront du mal à expliquer un sondage du Pew Research Center sur la place de l’Amérique dans le monde, réalisé auprès de 642 membres du CFR entre le 2 octobre et le 16 novembre 2009. Le sondage Pew n’a pas seulement révélé que la grande majorité, 2/3 des membres de cette institution élitiste en matière de politique étrangère, croient que les États Unis en ont trop fait en faveur d’Israël, mais aussi qu’ils ne considèrent pas Israël comme ayant en importance prioritaire pour les États-Unis [2]
Ce qu’on peut conclure des réponses relatives au conflit israélo-palestinien, c’est que le public en général se forme une opinion à partir de ce qu’il entend ou lit dans les médias de masse qui sont très favorables à Israël. Tandis que les membres du CFR ont accès à des sources d’information plus précises et sont moins sensibles à la propagande israélienne. Apparemment aucun journal états-unien n’a jugé utile de rapporter les opinions des membres du CFR, ce qui n’est pas surprenant étant donné les circonstances. La preuve :
(1) Sur une liste de États qui seront « les plus importants alliés et partenaires de l’Amérique dans le futur », seulement 4 % des sondés incluent Israël, ce qui le place à côté de la Corée du Sud et bien loin derrière la Chine (58 %), l’Inde (55 %), le Brésil (37 %), l’UE (19 %), la Russie (17 %), le Japon (16 %), le Royaume-Uni et la Turquie (10 %), l’Allemagne (9 %), le Mexique (8 %), le Canada, l’Indonésie, l’Australie et la France (5 %). Les sondés du CFR pouvaient donner 7 réponses (Q19).
(2) Quand on leur a demandé quels pays seraient les moins importants pour les États-Unis, Israël (9 %) était positionné derrière 22 États dont le Canada et Mexico et au Proche-Orient, la Turquie, l’Égypte, et l’Arabie Saoudite (Q20).
(3) Ce qui a été particulièrement révélateur, c’est que dans » le conflit entre Israéliens et Palestiniens » seulement 26 % des sondés du CFR ont pris position pour Israël. Ce résultat doit être comparé comparé aux 51 % du grand public (2000 personnes sondées pendant la même période). 16 % des membres du CFR ont pris position en faveur des Palestiniens, comparé à 12 % pour le grand public. 41 % des sondés du CFR ont pris « position à égalité » pour les deux camps, par opposition à 4 % du grand public. 12 % des membres du CFR ne soutenaient ni l’un ni l’autre, contre 14 % pour le grand public. (Q33)
(4) Le CFR ne joue pas de rôle important dans la détermination de la politique états-unienne sur la question israélo-palestinienne. Il n’est pas non plus en phase avec ceux qui la décident. C’est ce qu’exprime de manière frappaante les membres du CFR lorsqu’on les sonde sur leur vision de la politique étrangère des États-Unis au Proche-Orient. Le problème, selon 67 % d’entre eux (comparé à 30 % pour le grand public) c’est que les Étts-Unis favorisent trop les Israéliens, tandis que seulement 2 % (comparé à 15 % du grand public) croient que la politique états-unienne favorise trop les Palestiniens. 24 % des membres du CFR croient que Washington « a trouvé le bon équilibre » comme le pensent 29 % du grand public. (Q34)
(5) L’écrasante majorité des membres du CFR (69 %), pensent que le président Obama a « trouvé le bon équilibre » entre les Israéliens et les Palestiniens, comparé à une petite majorité du grand public (51 %). 13 % des membres du CFR pensent qu’Obama « favorise trop Israël » comparé à 7 % du grand public. Tandis que 12 % pensent qu’il prend partie pour la Palestiniens, une position endossée par 16 % du grand public (Q35).
En ce qui concerne l’Iran, on observe le même fossé entre les élites du CFR et le grand public. Ainsi 64 % des membres du CFR considèrent l’Iran comme une menace majeure contre les intérêts états-uniens, contre 34 % qui ne le croient pas. Ces résultats passent respectivement à 72 % et 20 % pour le grand public. Plus contrasté encore : seuls 33 % des membres du CFR soutiendraient une attaque préventive contre l’Iran si ce dernier se dotait de l’arme nucléaire, alors que 63 % du grand public l’approuveraient (Q7).
Les pourcentages sont presque inversés lorsqu’il s’agit du Pakistan avec 63 % des membres du CFR soutenant une action militaire états-unienne si des « extrémistes … étaient sur le point de prendre le contrôle du Pakistan » alors que seulement 51 % du public approuverait une telle action (Q24). Ces résultats sont une indication supplémentaire de l’influence israélienne dans les médias de masse : elle a érigé l’Iran [stable et militairement non-nucléaire] en une menace et a minimisé le danger d’un Pakistan instable doté de l’arme atomique.
Journaliste juif états-unien, co-fondateur du Labor Committee of the Middle East. Ancien directeur du Middle East Labor Bulletin.
1] « Comment le Conseil des relations étrangères détermine la diplomatie US », Réseau Voltaire, 25 juin 2004.
[2] Voir à ce sujet les interventions de John D. Antony à la conférence Axis For Peace, organisée par Thierry Meysan en 2005.
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