Les sénateurs, qui entendent poser «un interdit sociétal clair», ont aussi allongé le délai de prescription pour non-dénonciation de violences sexuelles sur un mineur.
Par Agnès Leclair
Mis à jour le 25/01/2021 à 11:19
Le Sénat a adopté jeudi à l'unanimité une proposition de loi visant à créer un nouveau crime sexuel pour protéger les mineurs de moins de 13 ans. AFP
Poser «un interdit sociétal clair». Le Sénat a adopté jeudi à l'unanimité une proposition de loi visant à créer un nouveau crime sexuel pour protéger les mineurs de moins de 13 ans. Selon ce texte de la sénatrice centriste Annick Billon, les enfants sous ce seuil d'âge n'auront plus à justifier qu'ils n'étaient pas consentants à des relations sexuelles avec un majeur.
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Le texte allonge également le délai de prescription pour non-dénonciation de violences sexuelles sur un mineur. Pour mieux prendre en compte le caractère souvent tardif de la révélation de ces affaires, l'amendement prévoit de porter le délai de prescription à dix ans, à compter de la majorité de la victime, en cas de délit et à vingt ans en cas de crime.
L'effet du hashtag #metooinceste
Cette proposition de loi avait été enrichie en commission d'amendements pour mieux réprimer l'inceste après la déflagration entraînée par le livre témoignage de Camille Kouchner, La familia grande, où elle accuse son beau-père, Olivier Duhamel, d'avoir violé son frère jumeau, à la fin des années 1980. Dans la foulée, sur les réseaux sociaux, le hashtag #metooinceste a déjà entraîné près de 80 000 messages. Jeudi, Annick Billon a souligné que son texte n'avait «pas été élaboré en réaction à la déflagration politique et médiatique provoquée par le livre de Camille Kouchner» mais que son examen offrait au législateur «l'opportunité de se positionner de façon claire» sur ce sujet.
Eric Dupond-Moretti a répondu à cette interpellation de manière très prudente. «Les évolutions de la loi pénale doivent prendre en compte les phénomènes sociaux mais doivent s'accompagner d'une réflexion aboutie, notamment en ce qui concerne la prescription» et «sans céder à la précipitation qu'appelle une émotion légitime», a tempéré le garde des Sceaux. Après avoir mis les parlementaires en garde contre le risque de «censure constitutionnelle», il a interrogé sur l'âge de 13 ans retenu pour définir le seuil criminel. «Votre proposition pourrait être perçue comme un affaiblissement de la protection des mineurs de 13 à 15 ans», a noté le ministre de la Justice, posant la question de l'articulation de ce texte avec la loi Schiappa contre les violences sexuelles et sexistes adopté en 2018.
Renforcer les mesures de sanction
Enfin, il a annoncé le lancement d'un « travail de consultation » des associations pour continuer à avancer sur ce sujet avec le secrétaire d'État à la Protection de l'enfance, Adrien Taquet. Le seuil d'âge de 13 ans pour l'instauration du non-consentement fait débat chez les parlementaires et est jugé insuffisant par nombre d'associations de protection de l'enfance qui plaident pour fixer ce seuil à 15 ans. « Il y a un certain nombre de divergences et de choses qui ne sont pas encore tranchées », a estimé Éric Dupond-Moretti.
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Le débat devrait rebondir dans les prochaines semaines car le texte du Sénat est le premier d'une série de propositions pour renforcer les mesures sanctionnant les violences sexuelles sur les mineurs.
Un texte de la députée PS Isabelle Santiago sera examiné à l'Assemblée nationale le 18 février. Comme la loi adoptée au Sénat, il vise à exclure la question du consentement à un acte sexuel pour les mineurs mais en retenant le seuil d'âge de 15 ans. Il propose aussi de punir de 20 ans de réclusion criminelle une relation sexuelle incestueuse entre un majeur et un mineur de moins de 18 ans.
Enfin, la députée de la majorité Alexandra Louis travaille à un texte pour renforcer l'interdiction de tout acte sexuel entre un majeur et un mineur de moins de 15 ans. La sénatrice Marie-Pierre de la Gontrie a fait savoir que si le gouvernement ne programmait pas le texte du Sénat à l'ordre du jour à l'Assemblée nationale, le groupe PS l'inscrirait dans sa niche parlementaire.